Un jour, fin décembre, un petit lapin a trouvé sur le sol une
belle petite étoile qui brillait. Alors, il l’a prise dans ses pattes et
l’a amenée bien au chaud dans son terrier, car il pensait qu’elle
avait froid. Mais la petite étoile n’avait pas froid. Elle n’avait ni
froid, ni chaud, la petite étoile.
Il l’aurait bien déposée au sommet du sapin de Noël, mais
son terrier était trop petit pour en avoir un. Et puis, de toutes
façons, Noël était passé la veille. À défaut de sapin, il avait mis
dans son terrier une brin de bruyère. Mais impossible également
de poser l’étoile sur son sommet.
Le lendemain, le petit lapin dit au petit écureuil, son ami :
— 2coute ! Hier, j’ai trouvé une belle petite étoile qui était
tombée du ciel et je l’ai amenée chez moi. Je l’ai mise bien au
chaud car elle ne bougeait pas. Sans doute avait-elle eu très froid
(mais la petite étoile n’avait pas eu très froid. La petite étoile
n’avait eu ni très froid ni très chaud). Et comme nous n’avons
pas de sapin, je l’ai posée par terre, au pied de la brindille de
bruyère.
Le lendemain le petit écureuil dit à leur ami commun le petit
hérisson :
— Tu sais, avant hier, notre ami le petit lapin a trouvé une
étoile qui était tombée du ciel et il l’a jétée par terre. Et il a mangé
du gruyère !
— Le petit hérisson lui répondit :
— Mais comment notre ami le petit lapin pouvait-il savoir que
c’était une étoile tombée du ciel et non pas une étoile qui serait
venue de la mer ? Et puis, tu es sûr que c’était du gruyère ?
Alors le petit écureuil courut retrouver le petit lapin dans son
terrier pour lui poser la question.
Mais le petit lapin n’y était pas. Il avait pris sa liste : trois
carottes et une salade bien verte, et était sorti faire son marché
dans le potager du Père Jean-Jean. (Il est gentil, le père Jean-
Jean, il offre toujours quelques légumes à qui en veut).
Alors, le petit écureuil qui connaissait bien le terrier pour y
avoir souvent joué avec le petit lapin y pénétra, mais il ne vit
aucune étoile. Et il n’y avait pas de trace de gruyère non plus.
Même pas un trou.
— Comment ? Mon ami m’aurait-il menti ! Se serait-il moqué
de moi ? Oh, comme je suis déçu ! Et il se mit à pleurer.
Sur ce, le petit lapin arriva.
— Mais que t’est-il arrivé, mon ami, dit-il au petit écureuil ? Tu
t’es fait mal ? Montre-moi. La patte ?
— Non ! Tu n’es plus mon ami ! Tu t’es moqué de moi ! Tu n’as
pas ramené d’étoile. J’étais venu pour te poser la question de
notre ami le petit hérisson : « Comment savais-tu que c’était une
étoile tombée du ciel et non pas une étoile venue de la mer ? »
mais tu n’étais pas là. Alors, je suis entré pour voir l’étoile, et il
n’y en avait pas ! Tu m’as menti. Le petit hérisson va bien rire
de moi.
— Il ne rira pas. Je ne t’ai pas menti. J’ai simplement restitué
l’étoile.
— Et tu continues à te moquer de moi !
— Mais non. Écoute-moi : cette étoile, que j’ai vraiment
trouvée, vraiment ramassée, et vraiment ramenée dans mon
terrier n’était ni une étoile du ciel, ni une étoile de mer. C’est un
petit garçon qui me l’a dit.
— C’est ça, rajoutes-en, un petit garçon…
— Oui, alors que j’étais allé faire les courses, j’ai croisé un
petit garçon qui pleurait. Mais il pleurait, le pauvre ! À fendre
l’âme des saules. Alors, j’ai posé mon panier et je lui ai demandé
« Mais, petit garçon, pourquoi pleures-tu ainsi? Tu m’as
pourtant l’air dêtre un bien sage enfant. Le Papa Noël n’a pas pu
t’oublier…
— Oh, non, me répondit-il en esquissant un petit sourire.
J’ai eu une voiture de pompiers toute rouge, avec sa grande
échelle, et qui fait Pin-Pon, Pin-Pon, Pin-Pon, une boite de
dominos pour jouer avec mon frère, et j’ai eu aussi un bel habit
de sherif.
Et là, il se remit à pleurer.
— C’était l’étoile de son habit de shérif que le Papa Noël lui
avait apportée . Elle était tombée alors qu’il jouait. Et depuis, il
la cherchait. Alors, je la lui ai rendue. Il en fut bien content.
— Quel dommage ! Tu as perdu ta petite étoile.
— Peut-être, oui, mais j’ai gagné un nouvel ami. Demain je
vous le présenterai et je suis sûr qu’il vous la montrera, sa belle
petite étoile de shérif.
— Et le gruyère, dis, c’est bon le gruyère ?
De Philippe Botella
