Une nuit d'hiver - Ocarina Player
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    Une nuit d’hiver

    Une nuit d’hiver

    L’homme s’était installé dans une masure abandonnée. Ce soir de décembre, il
    revenait de la gargote. Il resserrait sa main sur le goulot de la bouteille. Avec
    l’autre main, il touchait, dans la poche de son manteau, le pain et le fromage. Une
    lueur provenait d’une fenêtre de sa maison. Il avait dû laisser la porte ouverte. Son
    logement était occupé par deux personnes, un homme âgé et une femme. Notre
    homme hésita. Qui pouvaient bien être ces deux individus? Que devrait-il faire?
    Les déloger, ou bien passer la nuit avec eux? Il poussa la porte. Le vieil homme et
    la femme levèrent la tête.
    « Comment avez-vous pu rentrer ici? » Se laissa-t-il échapper.
    « La porte était ouverte… », murmura le vieillard, en haussant les épaules et se
    blottit profondément dans sa veste informe.
    « Si vous êtes le propriétaire, Monsieur, nous demandons humblement votre
    pardon, – commença à dire à la femme – mais nous sommes entrés sans forcer
    aucune porte et nous pensions pouvoir nous reposer ici, au moins pour une nuit ».
    Le ton poli n’échappa pas à l’homme, qui se sentit obligé de changer son
    expression.
    « Ce n’est pas l’espace qui manque, même si mon appartement n’est pas
    tellement à l’aise ».
    L’homme sentait la poche gonflée, avec le pain de son dîner. Comment aurait-
    il pu ne pas diviser ses ressources? Il offrit une gorgée de vin à ses deux nouveaux
    locataires. Le vieil homme sortit une gorgée, s’essuya la bouche et passa la
    bouteille à la femme. Elle allait se satisfaire, quand un bruit secoua la porte. La
    femme appuya la bouteille au sol. Une figure dodue apparut, ce semblait être un
    gros rat à la recherche de quelque chose: la nourriture, la chaleur, ou peut-être un
    de ses enfants perdu?
    La femme ne rata pas l’occasion er bondit silencieuse, comme un chat. Le
    rongeur, surpris, eut à peine le temps de se retourner, mais il fut attrapé par la
    queue. Un instant plus tard, la femme était en train de lui cogner la tête sur un
    rebord de pierre. Ce n’était pas un rat, c’était un ragondin, un de ces gros rongeurs
    qui ont envahi les terrains agricoles et les voies navigables. Le vieil homme tira de
    sa poche un petit couteau et s’appliqua au dépouillement de la proie. « Sors
    dehors! – le réprimanda la femme. – Tu es en train de salir la maison ! »
    Le vieil homme sortit et revint, après un certain temps, avec un plateau
    recouvert d’un ragoût de viande fraîche. Le ragondin avait été rapidement
    transformé en nourriture, il ne restait plus qu’à le cuire. Dans la vieille maison il y
    avait une cheminée, maintenant abandonnée. L’homme avait ramassé des
    branches, du bois et des vieux journaux. Il était temps de relancer le foyer.
    Les trois furent en mesure de se régaler un repas chaud, qu’arrosèrent avec la
    bouteille de vin. Le propriétaire arriva à offrir le pain au fromage, après l’avoir
    brisé en trois parties égales, d’un geste presque religieux. Juste à ce moment, les
    cloches de l’église sonnèrent la minuit. C’était Noël, là-dehors. Noël sembla avoir
    touché aussi leur maison. Les trois étrangers avaient rassemblé le peu qu’ils
    avaient, l’abri et la nourriture. Maintenant, ils étaient étroits sur le vieux matelas.
    Les braises de la cheminée rendaient le milieu confortable et le vin les apaisait.
    La neige commençait à tomber. La campagne brillait, toute blanche, les bruits
    s’affaiblissaient. C’était comme si le monde voulait couvrir le passé, pour se
    réveiller dans un lendemain tout à fait différent. Une aube froide, qui aurait
    surpris derrière la porte de la vieille maison délabrée trois personnes, jusque-là
    inconnues, embrassées ensemble.

    De Alberto Arecchi

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